Entretien avec Irène Ottenhof : « Un bilan extrêmement positif sur tous les plans »
0Avec le championnat de LFB terminé depuis plus d’une semaine en voyant le sacre de Bourges et la Coupe de France remportée par Lattes-Montpellier samedi dernier, le Final Four LF2, qui ce tient ce week-end à Nice et déterminera l’équipe qui sera sportivement promue en Ligue Féminine, est désormais la dernière échéance de cette saison 2014-2015 avant le début des compétitions internationales. Qui dit « fin de saison » dit « bilans » et ce cru 2014-2015 aura été particulièrement riche sur la planète basket féminin avec notamment la 10ème édition de l’Open LFB, le premier « match des champions » ou encore la 2ème édition de « Championnes de Coeur ». Le moment est donc venu de revenir avec Irène Ottenhof, directrice de la LFB et du haut-niveau des clubs français, sur ces différents rendez-vous qui ont jalonné cette saison et nous projeter sur l’avenir de la Ligue Féminine de Basket. Entretien :

Irène Ottenhof lors du 10ème Open LFB en octobre 2014 (@i1tenhof)
Daft Dunk : Commençons avec la LFB. Avec le championnat du Monde qui s’est terminé en octobre et l’EuroBasket qui va très vite arriver, il a fallu faire tenir la saison dans un laps de temps très court mais, à l’arrivée, cette saison est plutôt un très bon cru avec des playoffs à suspense et une bataille pour le Top 8 jusqu’à la dernière journée… Quel bilan tirez-vous de cet exercice 2014-2015 ?
Irène Ottenhof : Le bilan est extrêmement positif et ce sur tous les plans. Tout d’abord au niveau sportif avec 3 équipes qui ont brillé : Villeneuve d’Ascq, Bourges et Lattes-Montpellier, que ce soit sur la scène nationale ou européenne avec le titre de l’ESBVA-LM notamment. De plus, on note l’absence d’une hégémonie telle qu’on pouvait l’avoir il y a encore quelques années avec Valenciennes ou Bourges et, au contraire, une vraie densité et homogénéité avec quasiment toutes les équipes pouvant être battues, ce qui apporte un suspense permanent. Ensuite cette réussite sportive se répercute également au niveau de la communication en faisant parler de la Ligue Féminine. C’est très porteur à la fois pour la Ligue et pour les clubs eux-mêmes. Enfin, c’est aussi positif sur un plan financier car l’homogénéité du championnat montre que les clubs rivalisent entre eux.
C’est aussi une saison qui a vu l’émergence d’une troisième grosse écurie avec Villeneuve d’Ascq qui a remporté le premier titre européen pour le basket féminin français depuis 2004, cela montre que la LFB s’exporte bien…
Effectivement, une réussite et un titre comme celui de Villeneuve d’Ascq permettent de rayonner à l’international mais également d’imaginer être encore plus présent les saisons suivantes sur les compétitions FIBA de clubs, notamment lors de la saison prochaine avec 3 clubs en Euroligue si l’ESBVA-LM satisfait aux exigences financières.
« Le changement de formule des playoffs se fera en même temps que le passage à 12 clubs, pour la saison 2016-2017″
Abordons maintenant les projets pour la saison prochaine en ce qui concerne la LFB. Tout d’abord, la saison dernière vous nous parliez d’un passage à des playoffs à 8 lors de l’exercice 2015-2016, qu’en est-il aujourd’hui ?
Le changement de format et donc de formule se feront tous les deux lors de la saison 2016-2017. L’année dernière, les clubs étaient prêts à changer et passer sur des playoffs à 8 dès la saison prochaine mais, entre-temps, la décision de passer à 12 clubs en LFB a été prise. Or, comme on nous reproche souvent le manque de simplicité et de lisibilité, il y a eu un consensus général entre les élus et les clubs pour changer la formule des playoffs au même moment que le passage à 12 clubs, c’est-à-dire en 2016-2017. La mise en place des playoffs à 8 est une option parmi d’autres mais pour le moment rien n’a encore été décidé.
Justement, pouvez-vous nous préciser à nouveau les raisons du passage à 12 clubs en LFB ?
Ce passage s’explique par la mise en place des fenêtres FIBA. La FIBA impose en effet à toutes les fédérations européennes des fenêtres de qualification en cours de saison (une première en novembre 2015 et une deuxième en février 2016) ce qui nous impacte nécessairement dans l’organisation du calendrier. On ne peut décemment pas continuer à faire jouer des matchs, que ce soit tout ou partie, avec les meilleures joueuses qui sont en même temps avec l’Équipe de France. La décision qui a donc été prise est de geler le championnat pendant 2 semaines (novembre et février) et il devenait donc mathématiquement impossible de conserver une Ligue Féminine à 14 clubs sur le moyen terme avec, en même temps, les mêmes exigences internationales (Jeux-Olympiques, Championnat du Monde, Championnat d’Europe).
« La formule du championnat 2016-2017 sera faite en cohérence avec l’aspect sportif et l’aspect marketing »
David Girandière nous faisait part récemment de ses craintes quant à ce passage à 12 clubs, notamment d’un point de vue financier, qu’en pensez-vous à titre personnel ?
Je n’ai pas de crainte car ce passage à 12 clubs ne signifiera pas simplement une saison avec 11 matchs à domicile. En l’état actuel des choses la formule du championnat 2016-2017 n’est pas encore définie. Elle sera pensée, réfléchie et construite en collaboration avec les clubs (présidents, entraîneurs,…) mais on peut imaginer beaucoup de choses autour d’une formule à 12, notamment pour avoir plus de matchs. Avec une réduction du nombre de clubs, on a la possibilité d’avoir des formules de playoffs beaucoup plus denses avec plus de rencontres. En ce qui concerne les craintes avancées concernant les sponsors ou la visibilité, je suis d’avis qu’il faut privilégier la qualité à la quantité. Je pense, par exemple, que l’équipe qui termine 8ème du championnat sera très heureuse d’avoir la possibilité de recevoir un club de très haut de tableau et proposer un match de qualité plutôt que des rencontres avec un petit peu moins d’enjeu et d’intérêt sportif comme cela pourrait être le cas avec une autre formule. La version du championnat 2016-2017 est donc à imaginer ensemble et elle sera faite en cohérence avec l’aspect sportif et l’aspect marketing.
Outre ce changement de format du championnat, il y a aussi un autre bouleversement qui devrait survenir encore plus rapidement, c’est l’arrêt de la chaîne Sport + (26 juin 2015) qui diffusait les rencontres de LFB depuis plusieurs saisons… Savez-vous d’ores et déjà ce qu’il adviendra des droits concernant la LFB ?
Nous sommes une commission de la Fédération et non une entité autonome comme la Ligue Nationale de Basket, ce sont donc des choses qui sont gérées directement par la FFBB. Actuellement des discussions sont en cours entre la Fédération et le groupe Canal pour voir ce qu’il adviendra des droits et des diffusions mais nous n’avons pas encore d’informations précises. Pour le moment, à la LFB, nous nous tenons prêts pour nous adapter aux décisions qui seront prises et qui devraient intervenir dans quelques jours ou quelques semaines.
« Le match des champions sera reconduit lors de l’Open 2015″
Enfin, pour terminer avec la LFB, cette saison avait lieu le premier « match des champions » lors de l’Open avec une victoire de Bourges, l’opération sera-t-elle renouvelée la saison prochaine (26-27 septembre) ?
Tout à fait. Nous allons rester sur une formule classique de l’Open avec 7 matchs dont, comme en 2014, le match des Champions qui sera le match phare du samedi soir.
Venons-en désormais à la LF2. Cette saison le championnat inaugurait sa nouvelle formule avec notamment des playoffs entre les équipes classées de la 3ème à la 6ème place et cela, associé au hasard du calendrier, a accouché sur une dernière journée absolument passionnante avec des enjeux à tous les étages… Avant même le début de ce Final 4, on peut dire que c’est une réussite !
Oui, tout à fait. Cette nouvelle formule a aussi été décidée en réunion entre nos services et les clubs de LF2. Comme il n’y avait plus qu’une seule montée en Ligue Féminine à partir de cette saison, il fallait nécessairement changer quelque chose car, jusqu’ici, le vainqueur du Final 4 mais aussi le premier de la saison régulière étaient promus. Nous avons imaginé cette formule en essayant de considérer tout le travail qui a été fait lors la saison régulière tout en conservant la compétition et l’intérêt d’un Final 4. On s’est donc dit que, en protégeant les 2 premiers de la saison régulière et en jouant les deux derniers tickets pour le Final 4 sur un match sec chez le mieux classé, on pouvait donner un peu de suspense et de dynamisme à cette Ligue 2.
Que ce soit avec la naissance de l’ « Instant LF2 » ou des articles fréquents sur le site de la Fédération, on a senti cette année une véritable progression en ce qui concerne la visibilité de ce championnat, ce qui était une volonté forte de votre part au moment de prendre vos fonctions…
Quand j’ai pris mes fonctions à la Ligue Féminine en janvier 2013, j’avais une équipe pour la LFB mais pas pour le Haut-Niveau des clubs (NM1 et LF2) où j’étais seule avec une assistante administrative par division. J’avais plusieurs projets et idées qui je souhaitais développer mais il me manquait tout simplement le temps pour les réaliser et il fallait donc un collaborateur chargé à 100% de ce travail. Nous avons donc travaillé avec les clubs de NM1 et LF2 et tous contribuent financièrement au développement et au rayonnement des deux championnats, ce qui a permis de créer un emploi. On a présenté le projet aux clubs en disant que si un nouveau poste pouvait être créé, on allait maximiser le rayonnement des deux divisions et réfléchir à de nouveaux projets. Nathan Duez s’est donc vu confier cette tâche et nous avons ensuite ciblé, avec les clubs, les axes prioritaires de travail. La LF2 est censée être une ligue de développement, l’antichambre de la LFB, mais il existe tout de même un fossé entre les deux divisions que ce soit sportivement ou financièrement et nous avons estimé que l’action qui était la plus pertinente et facile à mettre en place était un travail sur la visibilité et la communication autour du championnat. Nous avons jugé que cela permettrait aux clubs de pouvoir montrer à d’éventuels partenaires que le championnat de Ligue 2 est considéré par la Fédération et qu’il s’y passe des choses. Cette année le travail a porté ses fruits avec la naissance de « L’instant LF2 », beaucoup plus d’actualités rédigées par Nathan et l’association de la Ligue 2 à Championnes de Cœur à travers le tournoi de 3×3. Désormais il nous reste encore beaucoup d’idées que nous allons tenter de mettre en place à l’avenir.
« A l’avenir, il faudra construire davantage autour du match de gala de Championnes de Coeur »
Comme vous venez de le dire, la LF2 a fait son apparition lors de la deuxième édition de Championnes de Cœur, quel bilan tirez-vous de cette édition 2015 à Angers ?
Je suis extrêmement satisfaite car mon premier objectif quand nous avons lancé Championnes de Cœur était que ce ne soit pas un phénomène isolé qui aurait seulement lieu un an. Cette deuxième édition montre que c’est un événement pérenne et c’est une volonté de la Fédération de le maintenir. C’est d’autant plus satisfaisant que nous avons aussi réussi à faire grandir et grossir ce projet en l’associant à la LF2 et à une autre discipline en l’occurrence le 3×3. Cependant, si le dîner est vraiment une très belle réussite, je pense qu’il faudra à l’avenir construire un petit peu plus autour du match de gala. J’ai souhaité livrer le projet complètement aux mains des joueuses car elles sont indispensables à sa bonne réussite mais, pour que l’on n’ait pas l’impression de voir toujours la même chose, il faudra proposer des innovations. Cette année le curseur a été plus difficilement placé qu’à Toulouse notamment parce que les filles présentes étaient en plein milieu d’une saison extrêmement compliquée du point de vue du calendrier avec, pour certaines équipes, des matchs tous les 2 ou 3 jours. On a, par conséquent, vu des filles qui étaient davantage dans la retenue et dans le show ce qui a pu laisser place à, selon moi, peut-être un peu trop de mise en scène avec par exemple trop d’acteurs associés sur un terrain de basket. Ceci étant dit je pense que, pour fixer correctement le curseur, il faut pouvoir aller chercher les limites donc on évolue, on grandit, et nous allons continuer à peaufiner ce spectacle.
« Pour un événement comme Championnes de Coeur, les championnats locaux doivent être gelés »
On pouvait cependant être un petit peu déçu en voyant les tribunes clairsemées pour le match de gala alors qu’Angers a pourtant un bon potentiel basket, l’horaire du match (16h), bien que dicté par le dîner caritatif qui suit, ne peut-il pas expliquer cela ?
Effectivement l’horaire n’est pas simple et cette année nous avons dû l’avancer davantage notamment pour que les joueuses soient dans de meilleures conditions, mais je pense que le vrai critère est ailleurs. Pour un événement fédéral d’importance comme Championne de Cœur organisé sur un territoire, il faut que toutes les rencontres de jeunes et seniors y soient gelées. Or ce ne fut pas le cas cette année à Angers, les championnats départementaux et régionaux ont été maintenus et je pense que cela nous a posé beaucoup de difficultés. Pour preuve, le matin était organisé le Challenge Benjamin, beaucoup de parents et enfants voulaient rester, sauf qu’il y avait des matchs l’après-midi et donc ils n’ont pas pu assister à la rencontre. Je ne dis pas que l’on aurait forcément fait « guichets fermés », notamment parce qu’il faisait très beau ce jour-là, mais il me paraît évident que l’une des clés pour remplir la salle est le gel des rencontres sur le territoire où a lieu l’événement.

Irène Ottenhof a reçu le Trophée Femix’Sports 2015, décerné à la FFBB dans la catégorie « stratégie de développement du sport féminin », des mains de Pascale Boistart, secrétaire d’état chargée des Droits des femmes. (Photo : Marie Lopez-Vivanco)
Grâce notamment à des initiatives telles que Championnes de Coeur, la FFBB a reçu le prix Femix’Sports 2015 dans la catégorie « stratégie de développement du sport féminin », j’imagine que c’est une fierté pour vous et tous ceux qui œuvrent en faveur du basket et du sport féminin ?
C’est en tout cas une véritable satisfaction ! Quand on est plongé dans notre travail, dans le feu de l’action, on reçoit des retours internes ou du cercle proche et on se rend compte que ça réussit mais, matérialiser cela par une autre instance comme Femix, permet un peu de relever la tête et de se rendre compte qu’il y a d’autres entités qui constatent que ça avance et qu’il y a surtout une véritable stratégie. Au-delà du prix, c’est la catégorie surtout qui m’a touchée : « stratégie de développement du sport féminin ». Être récompensé dans cette catégorie était effectivement une fierté car cela signifie que l’on reconnaissait, dans le travail de la Fédération et de la Ligue Féminine, une réflexion, des projets, qui s’inscrivent à court, moyen et long-terme pour faire avancer le sport féminin et cela donne encore plus d’énergie pour aller de l’avant.
Dans les prochains jours, vous retrouverez sur daft-dunk.fr un point sur les échéances estivales pour les Equipes de France 3×3 avec Irène Ottenhof, également assistante de Richard Billant à la tête des sélections tricolores de 3×3.